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Scène Française nº10 - Constance Amiot

Date de l'article : mardi 15 avril 2008

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Constance Amiot « Fairytale »

Rouge corail est sa couleur préférée. Un ton chaud, pas commun, qui évoque le bout du monde. Commencer par parler de la couleur préférée de Constance Amiot est moins insignifiant qu’il n’y paraît, tant les 12 chansons de Fairytale, son premier album pour tôt Ou tard, reflètent les nuances de sensibilité d’une artiste qui est à la fois « d’ici » et de « là -bas ». Ces 12 ballades inédites composent une « toile » musicale rendue homogène par la guitare acoustique, les arrangements soignés et par cette voix joliment teintée qui, sans jamais forcer sur l’émotion, porte loin. Cet « Ici » c’est la France, pays que cette jeune femme, née de parents français à Abidjan en Côte d’Ivoire à la fin des années 70, ayant passé les six premières années de sa vie à Yaoundé au Cameroun, puis les 16 suivantes dans le Maryland aux États-Unis, considère éventuellement comme une patrie mais certainement pas comme une « mère », au sens cocardier du mot. Quant au « là -bas », il s’agit de l’Amérique, où elle a grandi et qui l’a dotée d’un « background » culturel et d’une tournure d’esprit où fusionne amour des grands espaces et souci permanent de justice (elle a fait 2 années de droit à l’université), faisant d’elle une enfant peu discutable de Henry Thoreau (elle a aussi suivi des études de littérature). On pourrait donc, et fort légitimement, s’attendre à ce que, telle une Joséphine Baker en version folk, une Joni Mitchell en robe d’exil, elle se mette à chanter : « J’ai deux amours, mon pays et Paris ». Mais l’on aurait tout faux. « Pour tout dire, je ne me sens pas française mais pas vraiment américaine non plus, même si je suis plus reliée aux États-Unis pour y avoir grandi ».

L’idée semble sans doute quelque peu convenue mais finalement, la musique n’est elle pas sa véritable patrie ?

« J’ai retrouvé récemment un questionnaire que l’on soumettait aux élèves quand j’étais en primaire à Washington et j’ai été très surprise de trouver à la rubrique « qu’aimeriez-vous devenir plus tard ? » la réponse : « musicienne ». J’avais oublié ce détail. D’autant que j’ai longtemps pris une autre direction, m’imaginant juge puis ingénieur du son pour le cinéma quand, après le droit et la littérature, j’ai entamé un cursus dans l’audiovisuel. La musique tenait une place importante dans ma vie mais pas au point de songer à faire carrière ». La musique entre dans sa vie le jour où ses parents, à la faveur d’un vide grenier, lui offre un piano. Elle va s’y consacrer pendant 10 ans avec cours particuliers et petits récitals classiques dans les maisons de retraite. Dans le même temps, elle accompagne son père à des concerts de jazz et devient la pianiste d’un groupe rock de son collège, Virus, qui fait des reprises de Guns Roses. On le voit, Constance est quelqu’un de très mobile. Ce que n’est pas son piano, qui l’oblige à attendre qu’on veuille bien le transporter quand ses petits camarades ont déjà quitté les lieux avec guitares et batterie sous le bras. Délaissant finalement cet instrument encombrant pour une guitare acoustique, bien plus docile, elle fréquente les « open mikes » à Washington, ces scènes improvisées qui, sur les campus ou dans les bars, permettent à tout un chacun de se produire en public. Elle devient alors « la fille à la guitare », une silhouette au charme forcément lié au souvenir des grandes icônes aux longs cheveux de la scène folk américaine des années 60, telles que Joni Mitchell et Joan Baez. « Pour ma génération ce fut plutôt Tracy Chapman et son premier album, Talkin About A Revolution“. C’est avec la pratique de la guitare que se révèle en elle le goût pour la composition, sans que cette étape ne lui fasse encore entrevoir un possible métier. À 22 ans, sur les conseils de ses sœurs venues s’y installer, et un peu lasse d’être une « française » sans le moindre souvenir de la France, où elle n’a fait que passer, elle décide de s’installer à Paris. « Le fait de se retrouver loin du pays où j’ai grandi a été un élément décisif dans mon passage à l’acte. Mes premières chansons sont gorgées d’une nostalgie qu’il m’est difficile de ne pas lier à mon adaptation plutôt laborieuse à mon nouvel environnement. » Elle sera aidée durant cette phase plutôt déstabilisant e par deux musiciens, Lawrence Collins et Nicolas Buffet qui l’encouragent au point de proposer de produire une maquette. Le tournant, le basculement plus exactement, vient lorsque sa mère, peu avant qu’elle ne décède, fait parvenir à sa fille cette citation tirée du Prophète de Khalil Gibran : « Si tu chantes la beauté, sache que même dans la solitude du désert tu trouveras une oreille attentive ». « C’était sa façon de me dire « vas y fonce ! » Ce fut comme un déclic ».

Sous la direction de Nicolas Buffet, elle enregistre en 2003 Whisperwood, album autoproduit qu’elle vend sur son site ou après ses concerts. C’est ce disque qui la même année arrive sur le bureau de Vincent Frèrebeau chez tôt Ou tard. « Tous les autres directeurs artistiques que j’avais croisé préféraient que je chante seulement en français. Lui, au contraire, a voulu m’entendre dans les deux langues ».

Ce respect de sa double identité ira jusqu’à l’enregistrement de Fairytale. Les voix et les bases rythmiques sont ainsi réalisées au studio Sear Sound de New York avec Jeff Pevar, Ben Wisch, Sean Pelton et François Moutin ; le piano, les cordes, ainsi que les arrangements et le mixage étant exécutés à Ferber et au Garage sous la direction de Dominique Ledudal.

Si l’album s’appelle Fairytale (conte de fée) c’est que Constance a le sentiment d’en vivre un. Mais aussi par référence au point de vue qu’elle adopte dans certaines chansons où l’enchantement et la féerie semblent à porter de main, pour qui veut faire l’effort d’y croire (Décrocher la lune, Fairytale). « J’aimerais emprunter le chemin des rêveurs » avoue t’elle dans Rendez vous de Novembre, ode à cette utopie traduite dans le réel, et qui ressemble à la vraie vie quand s’y invitent la musique et la poésie. En cela, elle pourrait s’inscrire dans une longue tradition du folk américain qui, de Woody Guthrie à Devendra Banhart, reste le mode d’expression privilégié d’un certain idéalisme. Une caste dans laquelle il est pourtant bien difficile de l’enfermer tant la nature profonde de cette voyageuse chronique (Algérie, Chine, Australie…) la pousse plutôt à cultiver l’évasion (qui n’est pas la fuite) comme à se construire dans une mobilité permanente assumée. « On a quelque chose dans le voyage, une curiosité, une réceptivité, qui nous tient en éveil et que l’on perd aussitôt avec la sédentarité. » L’envol, où elle est accompagnée par le chanteur rwandais Beniwe, mais aussi Le bout du monde, semble étendre cette dimension vagabonde à sa vision personnelle de l’amour. Qui dans L’Etourderie et Le souffle d’un matin trahit plus de perplexité que de certitude. Alors Constance…inconstante ? « Ssauf que les paroles de ces deux chansons ne sont pas de moi mais de Jérome Attal. Même si on me dit souvent qu’elles me ressemblent... ». Aussi qui voudrait attraper cet oiseau rare devrait sans doute faire preuve de beaucoup de patience. Car tout chez elle est fluidité : son sens aérien de la mélodie (Cross your fingers), son aptitude à mélanger l’anglais au français, sans y perdre son latin (L’envol, Décrocher la lune), son aisance à évoluer dans la moiteur d’un jazz manouche très parisien (Le souffle d’un matin), comme à s’immerger dans l’ozone mélancolique d’une ballade aux accents country(Art of living good). Jusqu’à cette façon de mettre ses mots en rythme (Clash dans le tempo, On dira ouf) à la manière du « flow » des rappeurs. Aussi, devant autant d’atouts, comment douter un instant que Constance puisse ne pas « trouver une oreille attentive », dans la solitude du désert, ou, entre ici et là -bas.

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